mardi 8 novembre 2011

Vivre avec Fassbinder

Rainer Werner Fassbinder dans Berlin Alexanderplatz

Qui n’a jamais fantasmé le retour de cet être à la fois étranger et familier, chez qui nous avons trouvé un père de substitution. Certains diront un père spirituel. A cette nostalgie abstraite et poisoneuse, je n’ai trouvé qu’un seul remède : peu importe que l’être soit mort, on peut toujours et encore dialoguer avec son œuvre comme j’ai pu le constater en revoyant la filmographie de  Rainer Werner Fassbinder.

Vivre avec Fassbinder au gré de la découverte ou de la redécouverte de son œuvre en évitant le plus possible la langue de bois, quitte à livrer un texte brut pourvu qu’il soit au moins honnête, au plus, intime.
Le jeune Fassbinder avait, au début de sa carrière, une obsession débordante pour Jean-Marie Straub, un cinéaste qu’on pourrait qualifier de marginal, et pour cause : ses films s’adressent à un public spécifique. Nul doute que ce coté marginal attira Fassbinder lorsqu’il eut l’idée de développer l’antitheatrer au 7ème Art. On est loin des auteurs hollywoodiens tels que Raoul Walsh, Samuel Fuller ou Douglas Sirk. Sirk justement fut pour Fassbinder, un élément perturbateur de premier ordre, sans qui le cinéaste n'aurait pu mettre en scène des films tels que Le Marchand des quatre saisons ou Martha. La métamorphose s'ouvrit avec Prenez garde à la sainte putain et atteint son apothéose avec sa trilogie allemande, preuve qu'on peut réaliser des films hollywoodiens en Allemagne. Un tel bouleversement n'a pourtant moins dénaturé les valeurs du cinéaste que les moyens d'exprimer ses idées ; cette prise de conscience se joue dans l'altérité. Ses vingt-trois premiers films témoignent d'une mise en scène pour soi alors que les films suivant révèlent une mise en scène pour les autres. Une révolution populaire démontrant avec force l'éclectisme de Fassbinder. Et c'est justement sur ce point que se définit la démarche de CineKlectic. Être éclectique, c'est toucher à tout, sans tomber dans l'adoration aveugle d'un cinéaste, ni dans une espèce de dogme qui serait de défendre une thèse en rejetant toutes les autres. Au fond, se revendiquer éclectique, c'est avouer que vous êtes un voleur, seulement intéressé par les richesses culturelles.

Vivre avec Fassbinder, c'est donc explorer le rapport à l'autre en montrant ce qui nous rapproche et ce qui nous sépare. C'est le défi que se lance cette rubrique, ce carnet de bord – appelez ça comme vous voulez – pendant les semaines à venir.



                                                                                                    Tifenn Jamin

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